La K 75 dans Motorrad


Cette partie historique est le travail (conséquent !) d’un lecteur du site Christian DEVOT (alias « Wardenclyffe »). Fort de sa connaissance de la langue allemande et passionné (entre autres) de K75, il s’est proposé de compiler toute une série d’articles de la revue Motorrad parus au cours de la vie de cette moto. Vous trouverez ainsi beaucoup d’éléments sur la genèse de cette fabuleuse machine. 

Sommaire

1 Lancement et premiers essais
1.1 La nouveauté de l’année ?
1.2 Première prise en main…
1.3 …Et premier essai longue distance.

2 Face à la concurrence…
2.1 Face à cinq japonaises
2.2 Jugée par les lecteurs de Motorrad

3 Arrive la K 75 S…
3.1 Premier test
3.2 Face à deux européennes

4 Fin 86 : 40 000 km en K 75 C… et un curieux comparatif
4.1 Un bilan contrasté
4.2 BMW contre… BMW !

5 Une évolution discrète
5.1 Rien de neuf ?
5.2 On peaufine, on peaufine…
5.3 En 1990,  l’ABS, mais aussi…

6 Arrive la K 75 RT !
6.1 La meilleure des K ?

7 Les années passent…
7.1 A la fin, c’est l’Allemagne qui gagne
7.2 Et d’occasion ?
7.3 La bataille des roadsters

8. La fin d’une époque

Pour conclure

De 1985 à 1996, c’est à dire durant toute la présence de la K 75 sur le marché, pas moins de 17 numéros du magazine allemand Motorrad ont parlé de la moto, de ses modèles et de son évolution, et l’ont soumise à des tests sur longues distances et à des essais comparatifs.
C’est donc le regard de journalistes et essayeurs allemands sur une production de leur grande marque nationale que nous allons résumer ici, au fil des articles publiés par le magazine. Cette revue de presse permet de situer la K 75 dans son contexte au cours des années, telle qu’elle a été perçue, appréciée, critiquée, face à ses concurrentes, et finalement de voir à l’œuvre une façon de penser spécifiquement germanique : soucieuse d’exactitude, d’analyse reposant sur des faits et des chiffres tangibles, maîtrisant ses passions avec un parti-pris d’objectivité qui donne encore plus de force à ses enthousiasmes… et ses déceptions.
Pourquoi Motorrad ? Parce que ce magazine a été en Allemagne ce qu’a été Moto-Revue en France. Le premier est né en 1903, le second en 1913. Dans les années cinquante, quand l’Europe se reconstruit et que peu à peu, les temps modernes se dessinent, ce sont les revues des passionnés de moto de part et d’autre du Rhin, à une époque où pas une japonaise n’a débarqué en Europe, où la moto est d’abord un moyen de transport utilitaire, où les marques nationales se frottent à la seule concurrence des pays voisins, mais où l’esprit de compétition est bien présent sur les circuits. Motorrad est donc le magazine historique en Allemagne, tirant à 30 000 exemplaires dans ses années noires entre 1950 et 1960 (quand les Allemands abandonnent leur moto pour s’acheter une voiture), avant de bondir jusqu’à 250 000 exemplaires en 1976. Il faut dire qu’en 1969, les Honda 750 quatre-cylindres ont fait leur apparition, et que le film Easy Rider a marqué les esprits de toute une génération.
Ce boom de la moto, les Japonais en sont les maîtres. Chez BMW, on capitalise sur le flat-twin, qui gagne peu à peu en cylindrée, mais qui paraît de plus en plus dépassé par les événements. L’évolution se heurte à une révolution. L’érosion des ventes est continue, et en Bavière, on a du mal à se remettre en cause. Pourquoi sacrifier à la mode ? Pourquoi abandonner les valeurs qui font la réputation de la marque ? Au moment où l’existence même de BMW est en question, tellement les ventes s’écroulent, les ingénieurs s’appuient sur le savoir-faire automobile de la marque pour imaginer le concept K. Et l’introduire sur le marché d’abord sous sa forme quatre-cylindres, puis trois-cylindres. En 1985, quand arrive la K 75, BMW, qui se redresse lentement après la sortie de la K 100, a représenté l’année précédente 10 % du marché en Allemagne. Les quatre marques japonaises, Honda, Yamaha, Kawasaki et Suzuki totalisent 84 %. Et pas une marque anglaise dans les dix premières.
Nous sommes donc en 1985…

1. Lancement et premiers essais

Motorrad 1985/2– 16 janvier 1985
Motorrad 1985/18 – 28 août 1985
Motorrad 1985/20 – 25 septembre 1985

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1.1 La nouveauté de l’année ?

     L’année 1985 commence bien pour Motorrad avec une couverture tonitruante, digne des meilleurs journaux à scandale. « Un secret dévoilé : tout sur la nouvelle trois-cylindres… Sortie à l’automne » Avec une illustration en couleur de la K 75… telle qu’on ne la verra jamais.
Dès la page 8, une double page couleur reprend plein format l’illustration. Titre : « Drei für ein Halleluja », soit à peu près : « Trois cylindres pour un Alleluia ». On imagine le tintamarre des grandes orgues sous la nef de la cathédrale… On tourne la page, place aux choses sérieuses. On nous apprend que Martin Probst, le chef motoriste, en amputant un cylindre à la K 100, « a tout fait sauf un canard boiteux. La puissance au litre de 100 PS dépasse celle de la K 100… ». L’auteur note l’équilibrage propre aux trois cylindres, et précise que « les trois paliers de vilebrequin sont calés en étoile à 120° » et que « dans cette configuration ne se produisent pas de forces massiques libres, mais simplement des moments de masse qui peuvent être aisément compensés par un arbre intermédiaire avec deux contrepoids calés à 180° ». Quant aux vibrations de second ordre, « elles sont si limitées que la douceur de fonctionnement du trois cylindres sera significativement meilleure que celle du quatre cylindres, où ces vibrations sont transmises au cadre ».
Ce trois-cylindres n’est pourtant pas le premier chez BMW. L’auteur précise, photo à l’appui, qu’un 1 000 cm3 de conception similaire, dénommé M3, avait été développé dans les années 70. C’était un moteur super-carré (alésage/course : 75/73,5 mm) alors que le K 75 est plutôt longue course : 67/70 mm (comme la K 100). Autres différences avec l’apparition de la K 75 : le système d’allumage, la distribution (deux arbres à cames au lieu d’un), le vilebrequin (en acier forgé et non plus en fonte d’acier)… Le M3 de 1 000 cm3 n’aura pas vu le jour en raison de considérations commerciales et techniques : la configuration étant jugée en déclin, le nombre de cylindres trop inhabituel et les déclinaisons du moteur en deux ou quatre cylindres peu envisageables. Dans la difficile situation de BMW au début des années 80, le choix était trop risqué. La nouvelle équipe dirigée par le motoriste Eberhard Sarfert a décidé d’une cylindrée unitaire de 250 cm3, avec un moteur quatre cylindres, puis trois cylindres.
L’article souligne ensuite : « À la différence de la K 100, les chambres de combustion sont plus lisses et hémisphériques. Cette astuce améliore le rendement thermodynamique et en fin de compte augmente la puissance au litre ». L’allumage Bosch LE-Jetronic est conservé, avec des modifications pour admettre un régime moteur plus élevé avec une limitation à 9 250 tours-minute.
Passons sur le laborieux descriptif de la partie cycle. Enfin, l’auteur, qui promet beaucoup de succès à ce nouveau modèle, conclut son article sur cette remarque : « Si jamais les ingénieurs bavarois avaient l’idée d’équiper de quatre soupapes les chambres de combustion, nul doute que les propriétaires de BMW se laisseraient convaincre sans hésitation par une telle évolution… » Tiens donc… Voilà qui aurait dû faire réfléchir, à Munich.
Sans avoir essayé la machine, l’auteur laisse entrevoir les points forts de la K 75 par rapport à son aînée : un moteur plus vif, qui monte mieux et plus haut dans les tours, un très grand confort de fonctionnement… Mais il sait déjà que ce ne sera pas une sportive : le choix stratégique de BMW, dont les ventes étaient au plus bas, était de produire des motos en grand nombre, donc des motos de tous les jours, faciles à vivre, pour le plus large public. Mais Motorrad ne peut s’empêcher de rêver d’un trois-cylindres à quatre soupapes, vraiment sportif…

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     Deux photos intéressantes sur la page de droite : en haut, le moteur M3, 1 litre, 3 cylindres, avec un arbre à cames en tête, parvenu quasiment au stade de la production en série ; et en bas une K 75 lors de ses premiers essais au Nürburgring.

1.2 Première prise en main…

     En août 1985, Motorrad publie le premier essai de la K 75. Plus de 20 pages avec notamment l’histoire de son développement. Très intéressant aussi, l’éditorial du magazine qui porte sur la K 75, sous le titre : « À n’importe quel prix ? » Cela commence avec la puissance de 75 PS. « C’est suffisant », selon BMW, alors que les 750 japonaises affichent une puissance de 100 PS. L’auteur, Hans J. Nowitsky, affirme que « les motos créées pour un style de conduite séduisent plus qu’une moto à tout faire comme la K 75, même si elles perdent plus vite de leur attrait. » Chez BMW, on répond que les 750 en tête des ventes sont la Kawasaki GPZ 600R, la Honda CBX 750 et la Yamaha FZ 750, bien plus que les sportives comme la Suzuki GSX-R 750 ou la Yamaha FZ 750. L’objectif de BMW est ambitieux : 10 % du marché des 750, soit 3 000 motos par an. Et « si la K 75 a techniquement le même talent que la K 100, elle est elle aussi très chère. » La plus chère des 750.
L’essai confirme immédiatement que la K 75 n’est pas une sportive. Plus de constance que de mordant à l’accélération, contrôlée par l’électronique Bosch et l’injection qui apportent moins de spontanéité que des carburateurs. Mais qui permettent de passer de 1 500 à 8 500 tours sans noyer le moteur de carburant. Quelques vibrations entre 5 000 et 6 000 tours seulement… et une sonorité entachée de bruits mécaniques. Du côté du comportement routier, la K 75 s’avère plus maniable, plus légère, plus précise que la K 100. Le freinage est satisfaisant mais demande de la poigne. À l’arrière, l’amortisseur devient vite inconfortable sur route dégradée. Quant à l’esthétique, qui laisse la priorité à la fonctionnalité, elle est jugée « aussi honnête qu’une assiette de choucroute avec des pommes de terre ». Le tout pour 13 000 Marks. Et qu’est-ce qu’on a pour ce prix-là ? « Ceux qui rêvent d’une machine fascinante et extraordinaire vont s’ennuyer à mourir sur cette trois-cylindres…  Ce que l’on a, c’est une moto qui nécessite peu d’entretien, qui va conserver sa valeur à la revente… Une libre alternative à la politique japonaise de course à l’équipement, agressive et inflationniste. »
Dans le même numéro de Motorrad, une interview de Eberhardt C. Sarfert, le grand chef de BMW motos, confirme cette orientation: « C’est une moto qui offre des capacités optimales à des motards de 18 à 80 ans. Ce n’est pas une moto destinée à un usage spécifique, il y en a déjà tellement. Mais une machine qui peut tout faire. » Quant aux objectifs de vente, ils sont ambitieux. « Nous voulons sortir 10 500 K 75 l’année prochaine, 11 500 l’année suivante. Pour cela, 45 % des clients doivent venir de la concurrence. » Retenons ces chiffres…

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     Même en rouge, la K 75 se fera très peu remarquer…

1.3 …Et premier essai longue distance.

     « Non-stop à travers l’Allemagne » sur la couverture du numéro du 25 septembrte 1985. Un journaliste de Motorrad est allé à l’usine de Berlin-Spandau prendre une K 75 C rouge, avec un petit carénage de tête de fourche, deux valises touring… En route pour un voyage de Berlin à Münich, et pas par le plus court chemin.
Pour l’essayeur, cela commence par une déception. Ce n’est qu’après avoir garé la moto sur le Kurfurstendamm pendant une demi-heure que deux jeunes s’approchent. « Regarde, une K 100 ! — Drôle de carénage. — Ce doit être un nouveau modèle… » À la douane (on est en 1985, le mur n’est pas tombé et l’Allemagne n’est pas encore réunifiée), les policiers s’intéressent plus au conducteur qu’à sa machine. « Par rapport à la K 100, le concept du trois-cylindres fait clairement la différence, visuellement et techniquement » avait soutenu au journaliste le responsable du développement de la marque. C’est raté.
Sur l’autoroute est-allemande, 100 au compteur, 4 300 tours, pas de vibrations, moteur inaudible, 13 litres pour faire 270 kilomètres. « Pas mal… » Avant Hambourg, l’essayeur monte à 140 et 6 000 tours-minute, confort parfait. Direction Hanovre. Sur les plaques de l’autoroute en béton, la fourche télescopique fonctionne parfaitement, par contre, l’amortisseur arrière arrive difficilement à suivre. Autres observations : d’abord le bruit. « A partir de 6 000 tours, ça me rappelle une Porsche Turbo ». Le sifflement provient de l’entraînement de l’arbre intermédiaire, par un engrenage à taille droite et non hélicoïdale. Ensuite le passage des vitesses : plus lent que sur les motos japonaises.  Puis la souplesse : reprendre en cinquième à 1 500 tours ne pose aucun problème. 83 % du couple est délivré dès 2 500 tours. Mais par rapport aux quatre-cylindres japonaises, « le trois-cylindres manque de mordant ».
L’auteur de l’article monte à plus de 190 avant Cologne, les courbes à 180 ne posent aucun problème. Mais difficile de tenir le rythme avec le petit saute-vent, grosse contrainte dans les épaules et le cou. À 160, allure de voyage, 6,5 litres aux 100 km, tout va mieux.
Sur les petites routes vers le Nürburgring,  prendre l’angle est un jeu d’enfant. La précision de la direction, imparfaite dans les virages serrés, est néanmoins jugée supérieure à celle de la K 100. Sur le carrousel du circuit, l’auteur se fait des frayeurs avec les traces de gomme et d’huile sur la piste. « Quand les repose-pieds commencent à se relever, attention, vous êtes arrivé à la limite de la zone d’adhérence des pneumatiques… Au fil des tours, la nouvelle BMW m’étonne sans cesse par sa maniabilité. »
Direction l’usine BMW de Munich, autoroute, de nuit. En plus du projecteur H4, la K 75 produit un éclairage additionnel : les tuyaux d’échappement rougeoient sur dix centimètres de long ! Aucune précision dans l’article sur la vitesse de… croisière. « Plein gaz, à deux et avec bagages, la consommation doit à peine dépasser sept litres. »
Conclusion du voyage : « La BMW K 75 est vraiment une moto à tout faire, sans aucun défaut marquant. Et avec quelques points forts. Une moto pour ceux qui n’en changent pas chaque année pour suivre les tendances de la mode. »
Au moment de refermer le magazine, il faut revenir sur la couverture, largement consacrée à une « surprise japonaise : la nouvelle Honda VFR 750F ». C’est la moto de tous les superlatifs, selon Motorrad. Moteur V4, 100 PS, partie cycle irréprochable… l’article est enthousiaste. Rien à voir avec une K 75, c’est sûr. Sauf le prix : 12 000 Marks annoncé pour la Honda, 12 890 Marks pour la BMW. On voit à quel point, en 1985, l’approche du marché est effectivement opposée entre le Japon et l’Allemagne. D’un côté une segmentation fine de l’offre avec une gamme pléthorique en quête de best-sellers, de l’autre un concept déclinable de motos à tout faire, pour tous publics. D’un côté, la passion. De l’autre, la raison. En 1985, pour BMW, la question est de savoir si des motards raisonnables vont se passionner pour la K 75.

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     A l’attaque sur la K 75 C : il n’y a rien qui frotte, juste les repose-pieds qui se relèvent.

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     Il n’est pas évident de différencier une K 75 d’une K 100.

2. Face à la concurrence…

Motorrad 1985/21– 9 octobre 1985
Motorrad 1985/22 – 23 octobre 1985
Motorrad 1986/3 – 29 janvier 1986

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2.1 Face à cinq japonaises

     C’est sur deux numéros consécutifs que Motorrad se consacre à la confrontation de la K 75 à cinq routières japonaises, modèles 1985. À savoir la Honda VF 750 F (V4 refroidi par eau, quatre soupapes par cylindre), la Kawasaki Z 750 GT (4 cylindres en ligne conventionnel), la Suzuki GSX 750 ES (4 cylindres en ligne refroidi par eau, quatre soupapes par cylindre), la Yamaha XJ 750 (quatre cylindres en ligne, deux soupapes par cylindre) et la Yamaha FZ 750 (4 cylindres, cinq soupapes par cylindres). Un défi pour la BMW, un trois-cylindres aux lignes discrètes, qui ne peut à priori répondre à la puissance et à la vitesse de pointe de ses concurrentes que par l’élasticité de son moteur et son confort.
Le premier numéro compare les performances. Avec tout d’abord un passage au banc. Deux motos se dégagent du lot : la Yamaha FZ 750 (100 PS à 11 500 t/min) et la Honda VF 750 F (86 PS à 10 000 t/min). La K 75 affiche 72 PS (et non 75 PS, données constructeur), à 8 500 t/min. Elle partage avec la Yamaha XJ 750 et la Kawasaki Z 750 F une transmission par cardan. La Yamaha FZ obtient naturellement les meilleures notes en matière d’accélération : par exemple, le kilomètre départ arrêté est couvert en 22,9 secondes, de 24,4 à 25,8 pour les autres (25,8 pour la K 75). Même chose en vitesse de pointe : 231 km/h couché pour la FZ, 215 pour la Honda, les autres entre 198 et 207 (200 km/h pour la BMW. La surprise intervient au chapitre des reprises. Si la Yamaha FZ passe de 60 à 140 km/h en cinquième en 11,7 secondes, la BMW met 12 secondes, et toutes les autres entre13,6 et 14,7 secondes ! L’injection et la gestion électronique de l’allumage font une éclatante démonstration.
Après les tests à Hockenheim, on passe à l’épreuve routière de 1 500 km. La Yamaha FZ 750 se montre souveraine par la souplesse de ses cinq soupapes par cylindre, sa consommation mesurée. La Yamaha XJ 750 affiche de solides performances, malgré des vibrations désagréables et une consommation élevée. La Kawasaki Z 750 GT compense son manque de puissance par un moteur monté sur silent-blocks et son coût au kilomètre avantageux. La Honda VF 750 F affiche d’excellentes performances, entachées par des réactions désagréables lors des alternances de charge, et un coût d’utilisation élevé. La Suzuki GSX 750 ES offre des performances très homogènes, avec une très bonne boîte de vitesses, pour un prix d’achat très intéressant. Enfin, la BMW K 75 C, qui ne peut concurrencer les performances des meilleures motos essayées, brille par d’excellentes reprises, et son prix d’achat élevé est compensé par sa consommation réduite et son coût d’entretien mesuré.
Le bilan ? Au chapitre performances et agrément moteur, la Yamaha FZ obtient 86 points et la Kawasaki 67 points. Toutes les autres motos, BMW comprise, se situent entre les deux, entre 77 et 74 points. Au chapitre coût au kilomètre (prix d’achat, consommation, pièces détachées, qualité de service après-vente), la Kawasaki marque 34 points, la Suzuki 31, la BMW 30… et la Yamaha FZ 750 seulement 24. Au total, la BMW est troisième après ce premier round, derrière la Yamaha FZ et la Suzuki.
Le numéro suivant compare le comportement routier des machines. Freinage avant et arrière, tenue de route, maniabilité, précision de la direction, garde au sol… la Yamaha FZ 750 se détache nettement (121 points) devant la Honda VF 750 F (111 points). La BMW n’obtient que 96 points. « Il y a un monde entre la FZ et la BMW. Les conducteurs les plus rapides doivent combattre quelques handicaps » : amortisseur arrière perturbant, position assise trop élevée, frein arrière (à tambour sur la machine essayée). On passe ensuite au confort et à l’équipement : quelle moto est la plus agréable à conduire, la plus confortable à deux ? La BMW prend sa revanche et marque 30 points. Seul l’amortissement arrière vient troubler son caractère de grande routière et le confort du passager. La Yamaha XJ et la Kawasaki la suivent de près avec 29 points. Les autres sont derrière.
Le classement final marque la victoire de la Yamaha FZ (255 points), avec son comportement routier à la hauteur de ses performances. Suit la Honda VF (239 points), grâce aux accélérations de son V-4, sa tenue de route très stable, malgré un manque de précision de la direction. La Kawasaki se hisse à la troisième place (236 points), malgré ses performances modestes, en raison de ses capacités de grande routière. La Yamaha XJ est quatrième (235 points), avec son moteur puissant et son très bon confort, mais pénalisée par des vibrations excessives et les réactions de son cardan qui compromettent son comportement routier. La BMW se classe cinquième (232 points), pénalisée par son comportement routier. Quant à la Suzuki (225 points), son cadre, son équipement et sa finition laissent à désirer, malgré un prix d’achat très intéressant.

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     Une fille en K 75, et cinq dragueurs à moto !

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     La K 75 face à la concurrence : un look complètement à part.

2.2 Jugée par les lecteurs de Motorrad

     Cela pouvait sembler une bonne idée… 18 lecteurs choisis parmi les 1 300 qui se sont déclarés candidats pour essayer la K 75 pendant une journée, dans la froideur de novembre. Et sur une distance obligatoire de 1 200 km s’il vous plait ! Voilà donc 18 motards, dont deux femmes, plus ou moins âgés, de 20 à 49 ans, et… pesant jusqu’à 105 kg. Les réactions s’avèrent très diverses, car tout dépend du style de conduite, du type de trajets que l’on fait… et de la moto que l’on possède. Motorrad note la satisfaction globale des essayeurs, mais enregistre une pluie de critiques… et certains avis sont tout à fait opposés : un avantage pour les uns est un inconvénient pour les autres.
Le comportement routier de la BMW est le plus souvent mis en cause, notamment sur les chaussées dégradées. La fourche avant est jugée imprécise, la selle est trop dure, les commandes au guidon mal placées. L’un critique la K 75 en conduite très rapide pour sa stabilité en courbe imparfaite, l’autre apprécie son aptitude à rouler vite. L’un apprécie la gestion électronique de l’allumage, l’autre déplore qu’on n’a plus rien à bricoler (effectivement, l’injection directe et le système électronique Bosch ne feront jamais de la K 75 une machine pour les préparateurs). L’unanimité se fait pourtant pour condamner les bruits mécaniques et la sonorité de l’échappement. « Un bruit d’aspirateur » selon Karin, qui qualifie la K 75 de « moto pour vieux messieurs ». Unanimité encore pour juger son prix prohibitif. Plus de 13 000 Marks, c’est trois mille de plus qu’une 750 japonaise.
Non, la K 75 n’a pas que des défauts. Facile à démarrer, pas de vibrations, consommation raisonnable, un cardan qui se fait oublier, c’est une vraie routière à tout faire et qui peut aller vite, malgré son manque de caractère.
Alors, ils l’achèteraient, la K 75, les lecteurs du journal ? « Da scheint der Hase im Pfeffer zu liegen » constate Motorrad. Mot à mot : là, on dirait que le lapin est couché dans le poivre. L’expression allemande fait référence à une recette culinaire : pas de chance pour la bestiole, on l’a déjà mise à mariner. En bon français : « Il y a un hic. » Certes, la K 75 à suscité beaucoup de curiosité chez les lecteurs du magazine, mais on sent les possesseurs de flat-twins réticents, et tous les autres effrayés par un prix qu’ils jugent dissuasif. Le handicap majeur de la K 75, une fois de plus, est posé.

Arrive la K 75 S…

Motorrad 1986/10 – 3 mai 1986
Motorrad 1986/16 – 26 juillet 1986

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3.1 Premier test

     En couverture de Motorrad se pose la question : « La plus sportive des BMW ? » Le premier test de la nouvelle K 75 S démarre sur cette interrogation. Selon le journaliste, le motard BMW doit posséder au moins deux choses : un portefeuille bien garni et le sens de la modestie. Parce qu’une 750 sportive de 75 PS n’étonne plus personne, depuis que les 750 japonaises affichent 100 PS. Il est vrai que les valeurs de la marque sont plutôt une fiabilité à toute épreuve, des coûts d’utilisation réduits, une valeur élevée à la revente et des pièces détachées abordables. Certes, mais ce n’est pas une raison pour produire des motos ennuyeuses. Peut-être que cette fois, le plaisir sera au rendez-vous.
La K 75 a été sérieusement travaillée pour qu’elle ne soit pas un flop. La S reçoit une nouvelle fourche dont le débattement passe de 185 à 135 mm, et la roue avant de 17 pouces de la K 100. Avec le carénage, cela donne plus de poids sur la roue avant et une meilleure stabilité à haute vitesse et dans les enchaînements de courbes. A cela s’ajoute un nouvel amortisseur arrière Bilstein. La tenue de route est neutre, plus de réactions désagréables, comme celles du cardan à l’accélération et à la décélération. Le carénage permet de rouler vite sans avoir mal au cou à la longue, mais la protection n’égale pas celle de la K 100 RS, même si le guidon est beaucoup moins large. Il vaut mieux être grand pour poser les pieds par terre. Le passager est à son aise. « C’est une des rares motos avec lesquelles le pilote sera plus pressé de faire une pause que le passager ». Le tableau de bord et les commandes demandent de l’accoutumance.
Le moteur ne montre pas la sportivité que l’esthétique de la moto suggère. Certes, il ne vibre qu’un peu vers 6 000 t/mn, mais il n’a pas le mordant attendu. Les reprises sont excellentes : 13,1 secondes pour passer de 60 à 140 km/h. Mais il faut 14,9 secondes pour passer de 0 à 160 km/h, contre 8,1 secondes pour une Honda VFR 750. La vitesse maximale est de 200 km/h, 10 de moins que les données du constructeur. L’injection électronique Bosch explique la faible consommation de la machine : moins de sept litres dans tous les cas de figure. On n’a besoin de ravitailler qu’entre 300 et 400 km. « Pour une sportive, on pourrait souhaiter de meilleures performances. Peut-être verra-t-on dans le futur un moteur à quatre soupapes par cylindre ? »
Stephan Paschernegg, chef du développement chez BMW, répond : « Une augmentation de la puissance ne peut se faire qu’avec une plage de régime plus élevée, ce qui réduirait la fiabilité du moteur. Et nous n’avons pas prévu pour le moment de version quatre soupapes. » C’est dit.

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     Un look de sportive, mais peu de différences avec le modèle de base : BMW cherche juste à compenser des lacunes de comportement routier.

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     En rouge, ou en gris ?

3.2 Face à deux européennes

     Comparer la K 75 S avec des 750 sportives japonaises du moment aurait été cruel. C’est sans doute pourquoi Motorrad publie en 1986 un essai comparatif entre trois européennes : la K 75 S , la Ducati 750 F1 et la Moto Guzzi V 75. Les deux dernières avec un moteur en V, en ligne pour la première, transversal pour la deuxième. Dans les trois cas de l’originalité, de la personnalité.
La Ducati, c’est l’esprit du sport, de la sonorité de l’échappement à la position spartiate du conducteur. A côté, « la BMW ressemble à un comptable en jogging », une très agréable routière dans une tenue sportive dont les avantages doivent être appréciés rationnellement. Quant à la Moto Guzzi, c’est un bull-dog assoiffé, une moto pour nostalgiques à prendre comme elle est : un art de vivre. Finalement, c’est la BMW qui est la plus efficace des trois : en performances, elle devance les deux autres. Par contre, en termes de comportement routier (tenue de cap, précision de la direction, stabilité en courbes,  freinage…), la Ducati devance nettement la BMW et la Moto Guzzi. La BMW prend largement sa revanche sur les critères d’équipement et de confort, et se fait devancer de peu au chapitre économie par la Moto Guzzi, qui est bien moins chère à l’achat.
Des performances honorables pour la K 75 S, qui finit première avec une construction soignée, c’est une moto bien pensée mais trop vieux jeu. La Ducati finit deuxième, avec à la fois des forces et des faiblesses, mais en tout cas des sensations intenses. La Moto Guzzi est troisième, son caractère inimitable est limité par un comportement routier problématique à haute vitesse.
Avant de refermer le numéro, un coup d’œil aux statistiques de vente que publie régulièrement le journal : BMW suit les quatre constructeurs japonais, avec toujours 11 % du marché.

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     Une notation précise, comme d’habitude dans Motorrad.

4. Fin 86 : 40 000 km en K 75 C… et un curieux comparatif

Motorrad 1986/20 – 20 septembre 1986
Motorrad 1987/1– 27 décembre 1986

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4.1 Un bilan contrasté

     « Dans l’ombre de la grande ? » C’est le titre de l’article qui fait le point après un essai de 40 000 km en K 75 C. La grande, c’est la K 100, qui rencontre en Allemagne un succès certain. Pourquoi un tel essai ? Parce que la K 75 manifeste aussi et surtout des qualités de grandes routières : une bonne position de conduite — seule la selle trop dure et surtout assez haute, ce qui est peu apprécié en ville, et l’amortisseur arrière limitent le confort de la machine — une bonne capacité de chargement… Et c’est parti avec 2 100 km au compteur, pour un voyage à travers l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Italie, la Yougoslavie, la Grèce et Chypre…
Petit souci alors le compteur marque 10 700 km : les vitesses sautent, claquent. Chez BMW à Stuttgart, on met un peu de graisse sur un disque d’embrayage. Mais à 23 363 km, sur une route chypriote, tout à coup, un bruit assourdissant et plus moyen d’avancer. Un camion s’arrête, direction l’atelier BMW de Nicosie. L’engrenage central du plateau d’embrayage ressemble « à un peigne sans les dents ». Chez BMW en Allemagne, on est averti, on s’agite. On découvrira que le problème vient d’une très légère imprécision lors du montage : un espace de 0,22 mm séparait l’embrayage et l’arbre d’entrée de boîte, qui doivent être collés l’un à l’autre normalement. Et à la longue…  « Les tolérances ont été dépassées. Nous en avons tiré les conséquences, nous renforçons nos contrôles dans l’usine de Berlin et prévenons tous nos concessionnaires. » Chez Motorrad, on se rappelle qu’un problème similaire est survenu sur une K 100 RT à 25 000 km.
Le voyage continue. Le magazine note scrupuleusement les dépenses. Un nouvel amortisseur arrière à 26 500 km, des joints d’étanchéité de la fourche qu’il faut changer à 30 000 km (BMW assurera plus tard avoir donné des instructions à son fournisseur), un contacteur de feu stop qui lâche… Du côté des pneumatiques, l’essayeur note que les Pirelli MT 58/59 conviennent mieux à la moto que les Metzeler ou les Michelin, et que le pneu arrière doit toujours être gonflé à plus de 2,5 bar. Quelle que soit la météo, la BMW démarre au quart de tour, avec un panache de fumée lorsque la moto a été garée longtemps sur la béquille latérale. Sans conséquence pour la consommation d’huile, 0,1 litre aux 100 km.
Après 40 000 km, la moto est entièrement démontée. La seule surprise viendra du palier de vilebrequin côté entrainement primaire, qui est complètement usé, sans doute la faute à un canal de lubrification bouché par des saletés provenant du filtre à huile. Sinon, le moteur est comme neuf ! Boîte de vitesses impeccable, les pistons, les bielles, les arbres à cames, le vilebrequin (à l’exception du quatrième palier)… A peine des traces d’usure ! L’entrainement de la roue arrière aussi. Seul l’aspect extérieur laisse à désirer, les pièces en aluminium ont souffert de l’hiver, le pot d’échappement est devenu brun.
La conclusion de Motorrad ? « Notre test n’a pas été sans problème, comme on l’attendrait d’une BMW. Mais ce qui est arrivé est si inhabituel qu’on ne peut penser qu’à un cas exceptionnel… Sinon, la mécanique de la série K s’est montrée, de façon étonnante, particulièrement résistante à ce test de longue durée.  Il faut souhaiter que BMW va éliminer tous les petits problèmes et les graves défauts rencontrés par une surveillance pointilleuse du montage et de l’assemblage. »

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     À la fin de l’essai, la moto a été complètement démontée, tout est impeccable, sauf un palier de vilebrequin et l’engrenage intérieur du disque d’embrayage.

4.2 BMW contre… BMW !

     Curieuse idée a priori, ce test comparatif. En décembre de la même année, Motorrad compare la BMW R 80 et la BMW K 75 ! « Une question de principe : deux cylindres à plat ou trois cylindres en ligne ? » On peut deviner qu’un an après la sortie de la K 75, les accros du flat-twin se posent la question : pourquoi changer ? Et sans doute qu’à Munich, les chiffres ne doivent pas être enthousiasmants. On peut imaginer des coups de fil à Motorrad…
La K 75 C est devenue la K 75. Qu’elle est belle ! « La K 75 dans sa livrée traditionnelle est sûrement la plus belle BMW depuis longtemps ». Petits filets ceinturant le réservoir noir, noir aussi le moteur, fourche et échappement chromés… « Un bijou »… à 11 900 Marks.
Passons sur le comparatif stricto sensu : on se doute bien qu’entre les deux machines, toutes deux disponibles chez les concessionnaires, il y a une génération de différence. Notons en vrac : la K 75 possède maintenant un amortisseur de direction Fluidbloc qui calme les réactions du guidon ; l’entraînement primaire « siffle toujours comme un sac plein de cochons d’Inde » (excellent…) ; même si le moteur n’est pas tout à fait aussi puissant que les spécifications annoncées par le constructeur, on monte à plus de 180 sans problème ; le double disque à l’avant fait correctement son travail, mais exige de la poigne à hautes vitesses ; le frein arrière est toujours à tambour, et lui aussi demande des efforts ; la taux de compression élevé (9,2) nécessite de prendre du Super ; la consommation standard, 5 litres au 100, peut monter à 8,5 litres à haute vitesse…
Bref, finalement, la K 75 s’avère être la meilleure machine de tourisme des deux motos, à condition de la doter d’un carénage. « Un carénage type K 100 RT serait suffisant. Mais alors, ce ne serait pas compris dans le prix proposé. Vous ne trouvez pas ça dommage ? »
On y revient sans cesse : les BMW sont des motos chères. La trois-cylindres est vendue 1 000 Marks de plus que le flat-twin, dont la clientèle hésite à franchir le pas… D’où l’article de Motorrad, sans aucun doute.

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     Une livrée un peu tapageuse, à l’image d’un certain goût allemand…

5. Une évolution discrète

Motorrad 1988/20 – 21 septembre 1988
Motorrad 1989/18 – 19 août 1989
Motorrad 1990/17 – 4 août 1990

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5.1 Rien de neuf ?

     La K 75 va cesser de faire parler d’elle dans Motorrad pendant deux ans. Elle réapparaît fin 1988. « Ça coûte cher de faire des économies. » Derrière ce titre énigmatique se cache une problématique germanique. On paie son assurance moins cher outre-Rhin si la moto ne dépasse pas 50 PS. « Jusqu’à 300 Marks annuellement » assure le service de presse BMW. Motorrad relève que le rabais se limite souvent à 150 Marks. En plus, « le kit de réduction de puissance à 50 PS est une option facturée 60 Marks, auquel le Service des mines allemand, le TÜV, ajoute 60 marks pour l’inscription de la nouvelle puissance sur la carte grise. »
C’est une réduction de l’admission d’air qui limite la puissance. De 3 000 à 7 000 tours, le couple est constant à 51 Nm. Au delà de 7 000 tours, le moteur s’effondre tellement qu’on pense qu’il est coupé. Après avoir remarqué que la consommation d’essence est supérieure au modèle standard, l’essayeur constate enfin « que la machine testée renonce à dépasser 166 km/h ». Mais il en profite pour revisiter les qualités et les défauts de la K 75 dans sa version présentée ici : excellente position de conduite, équipement complet, très bonne maniabilité, une moto faite pour les vacances et les trajets de tous les jours. Les points négatifs : prix très élevé, performances moyennes pour une puissance de 50 PS, et toujours ce raffut de l’entrainement primaire…
Bref, rien de bien nouveau sous le soleil bavarois.

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     Peut-être la plus belle des K 75 ? (Note de l’auteur : « J’ai la même, mais pas avec le kit de réduction de puissance ! ») 

5.2 On peaufine, on peaufine…

     « Trois modèles de trois-cylindres munichois composent la gamme des 750 cm3. Pourtant, ils demeurent dans l’ombre des quatre-cylindres. » Ainsi s’ouvre l’article de l’été 1989, sur les K 75 et leur évolution. Déjà, dans le sommaire du magazine, le ton est donné : « Pas loin de 25 000 BMW K 75 ont quitté les chaines de montage depuis 1985 ; quatre sur cinq sont parties à l’étranger, où les trois-cylindres BMW suscitent beaucoup de sympathie… » En Allemagne, la K 75 n’y arrive pas. On est loin des objectifs de la marque, de 10 000 motos par an, laquelle présentait la K 75 comme « un concept d’harmonie » basé sur « une technologie hautes performances pour tout type d’utilisation ». Ce n’est pas faux. Un moteur aux performances appréciables, souple, puissant en accélération, dénué de vibrations, peu gourmand en carburant… Une tenue de route très satisfaisante, malgré les 11 kg de moins sur la fourche avant que la K 100, qui a conduit BMW à la doter d’un amortisseur de direction dès janvier 1986 pour limiter ses réactions intempestives. Sur la K 75 S, son débattement passe de 185 à 135 mm. En septembre 1987, de nouvelles bagues d’étanchéité mettent fin à un défaut d’usure prématurée. Le moyeu d’embrayage est aussi changé, suite à de nombreux problèmes d’engrenage.
Du côté de la position de conduite, sujette à controverses, la hauteur de selle passe à de 810 à 760 mm sur la version de base (ou 800 mm sur simple demande à la commande). D’autres modifications sont apportées en 1988 : des bielles plus légères, une nouvelle segmentation pour éviter les panaches de fumée bleue au démarrage, de nouveaux étriers de frein à disque, une nouvelle membrane d’étanchéité du tableau de bord, et enfin, en décembre 1988, l’adoption des bielles de la K 1 diminue encore les vibrations et améliore la montée en régime.
Pas de grosse révolution ; chez BMW, on peaufine… « Reste la pilule amère même pour les amoureux de la marque : le prix de vente — accessoires non compris. »

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     Quand le graphiste de Motorrad sophistique sa mise en page…

5.3 En 1990,  l’ABS, mais aussi…

     Un an plus tard les modèles 90 adoptent l’ABS. « Rouler avec la version de la K 75 sans carénage, c’est bien pour se muscler le dos et le cou. Pour sa troisième année, cet appareil de musculation présente une nouvelle fourche et un système de freinage évolué. »
Passé l’introduction, fini le body-building, on entre dans le vif du sujet. Et on imagine l’ambiance chez Motorrad. Le journaliste avoue : « À première vue, ce n’est pas une mince affaire de trouver de l’attrait à essayer une moto aussi peu spectaculaire. “Tu t’occupes de la K 75“, m’a dit le directeur de la rédaction, comme pour me dire : et tu nous fous la paix. »
Évidemment. Les 750 du moment font 100 PS, tandis que le flâneur en K  75 ne dispose même pas d’un carénage. Comme le frein à tambour interdisait l’usage d’un système anti-blocage, la version de base reçoit un disque à l’arrière et l’ABS, et elle emprunte les roues de 17 pouces, les pneus de 130/90, la fourche et les freins à disque de la K 75 S. Le petit guidon relevé favorise une position assise qui devient fatigante au-dessus de 130. Mais pour qui veut rouler, les réactions qui perturbaient la tenue de route font maintenant partie du passé. Après l’autoroute, l’essayeur s’engage sur les petites routes de la Forêt-Noire, et regrette que le rédacteur en chef ne soit pas là : la K 75 dévoile un nouveau visage. Le double-disques Brembo fait la différence. Et le moteur pousse jusqu’à 6 500 tours sans la moindre vibration. Même si la puissance revendiquée, 75 PS, n’est pas au rendez-vous. Sur le banc de Motorrad, la K 75 affiche cette fois 69 PS. La consommation reste correcte : 5,6 l/100km sur route, 7,4 sur autoroute.
« Le charme d’une K 75 n’est pas d’être au devant de la scène, avec des couleurs vives. Ce n’est ni une moto de course, ni un chopper. Il n’y a pas un domaine où elle fait mieux qu’une autre, mais elle peut tout faire, et très bien… La puissance est suffisante, le couple est là, les vibrations restent dans le moteur. Et ses qualités sont toujours là, même si elle finit dernière sur un circuit. Alors, comme je ne me sens pas l’âme d’un pilote de course… »

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     Petit détail : l’ABS, derrière la botte du pilote.

6. Arrive la K 75 RT !

Motorrad 1990/25 – 24 novembre 1990

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6.1 La meilleure des K ?

     Enfin un nouveau son dans les oreilles, se réjouit l’essayeur de la K 75 RT vers la fin de l’année 1990. La RT est enfin sur le marché en Allemagne, un an après les USA, l’Espagne, la France… « Comme si les motards allemands n’avaient pas l’oreille pour un moteur qui sonne aussi bien. Par-dessus tout après 4 000 t/mn, où la ressemblance avec un six-cylindres de Porche 911 est frappante. » Tiens donc ! Et elle n’a pas que son bruit à offrir. « Un flat-twin BMW R 100 RT est peut être plus maniable et léger, mais trop conservateur… Alors que la K 75 RT est plus maniable que la K 100 RT, plus puissante que le flat-twin. »
Le blocage de direction est dur à trouver (à Munich, on signale qu’on peut installer l’unité de contact et blocage de direction de la K 1). Démarrage au quart de tour, ralenti entretenu au départ par la commande d’enrichissement à deux positions. Le moteur est estimé à 70 PS, et non 75 comme annoncé. Mais à 3 000 tours, il développe déjà 50 Nm, et le couple se stabilise à 60 Nm de 4 000 à 8 000 tours. Ce qui explique qu’en solo, on peut rester en cinquième tout le temps. La vitesse atteinte par l’essayeur de Motorrad est de 174 km/h, à fond de quatrième comme en cinquième vitesse, mais à 1 000 tours de moins. La consommation est mesurée à 4,5 litres au cent sur route, jusqu’à 7,3 à fond sur l’autoroute. On ravitaille donc entre 500 et 300 kilomètres selon le cas.
Il faut du muscle pour les manœuvres à l’arrêt : avec les deux valises, la RT pèse 275 kg à sec, plus une douzaine de kilos pour l’ABS, le protège-cylindres, l’équipement additionnel. Et BMW assure que le poids total en charge admissible est de 480 kg. Bref, la RT met à rude épreuve l’amortissement, et si la fourche empruntée à K 75 S s’en sort, malgré un débattement insuffisant de 60 mm, à deux et chargé, l’amortisseur arrière cogne sur les routes en mauvais état. Mais la moto s’en sort bien : plus maniable à faible vitesse qu’une K 100 LT. À haute vitesse, son carénage, qui offre une protection exemplaire, la rend insensible au vent latéral et aux bourrasques. Le freinage est excellent, à condition de s’adapter au comportement de l’ABS lors des freinages d’urgence. Peu de motos sur le marché ont une position de conduite aussi confortable, même la K 100 LT.
Le bilan ? « Une fois que BMW aura corrigé les problèmes d’amortissement, la K 75 RT sera imbattable sur le segment des 750 routières. Et la conclusion : « la RT est la meilleure routière de toutes les K. Pour celui qui sait ce qu’il veut, elle est la plus agréable et la plus économique façon de voyager en K. »
Cela faisait longtemps qu’un journaliste de Motorrad ne s’était montré aussi enthousiaste.

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     Quand le pilote, sa passagère et la moto ne font qu’un…

7. Les années passent…

Motorrad 1991/23 – 26 octobre 1991
Motorrad 1992/25 – 21 novembre 1992
Motorrad 1993/3– 17 avril 1993

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7.1 A la fin, c’est l’Allemagne qui gagne

     Angleterre – Allemagne, annonce Motorrad en octobre 1991, comme s’il s’agissait d’un match de foot. C’est la finale des trois-cylindres d’un quart de litre, avec la dernière 750 Trident qui fait face à la K 75.
Ça commence bien pour l’allemande dès le démarrage. Une seule sollicitation et grâce au Bosch LE-Jetronic, ça tourne. C’est plus laborieux sur la Triumph, jusqu’à ce que le moteur soit chaud. Un zéro. 4,7 secondes pour monter à 100 avec la Triumph (qui développe 90 PS à 9 500 tours) contre 5,3 avec la BMW. Un partout. Par contre, pour passer de 60 à 120 en dernière vitesse, l’anglaise rend une seconde à l’allemande. Certes, la sixième de la Triumph est presque une sur-multipliée. Deux à un. Du côté de la boîte de vitesses, la K 75 énerve avec ses faux points morts quand on va trop vite, mais l’anglaise a d’autres défauts. Deux partout.
Consommation sur route sur le même parcours, en vitesse de croisière : 3,9 litres pour la K 75 contre 5,5 pour la Trident. À un rythme élevé, on passe à 5,2 contre 7,3 litres. Et à fond sur l’autoroute, 8,5 contre 11,6 litres. Un point pour l’allemande, on en est à trois à deux. On passe au comportement routier : sur la K 75, les réactions de délestage de l’avant à l’accélération, et le louvoiement de l’ensemble moteur-transmission par cardan peuvent déconcerter. L’Angleterre égalise. Capacités de chargement, facilité d’entretien, encore deux points pour l’allemande. Cinq à trois.
Comportement en courbe, encore une surprise : avec son centre de gravité plus bas (dû à la conception et la position du moteur), sa selle plus basse, aucun problème pour pencher puis redresser la BMW en virage. Tandis que la Triumph a des réactions inattendues de la roue avant, qui a tendance à aller tout droit. Au chapitre du freinage, seules des nuances différencient les deux machines, mais la BMW a l’ABS. Et continue à marquer des points. On en est à huit à trois. Si !
Commandes au guidon, tableau de bord… à chaque machine ses points forts, c’est à dire ses points faibles. Et l’Allemande réclame une certaine habitude. Le match est équilibré. Comme sur le plan de la position de conduite. Mais le passager est autrement mieux installé sur la BMW, presque mieux que le pilote, alors que sur la Triumph, les repose-pieds sont trop hauts, le corps plus exposé, bref, position racing pour le passager.
Curieuse fin de match, où l’on voit la moins excitante des deux motos sur le papier, gagner haut la main. Motorrad serait-il chauvin ? L’analyse des chiffres montre que sur le plan des performances moteur, l’Anglaise domine nettement l’Allemande. Laquelle reprend le dessus sur tout ce qui touche au comportement routier, au confort, à l’efficacité sur la route. « Celle que l’on qualifie à première vue d’ennuyeuse ne l’est en fin de compte plus vraiment. »

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     La BMW, grâce à son homogénéité, gagne devant la Triumph.

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     On comprend tout de suite laquelle des deux motos est la plus confortable pour le passager !

7.2 Et d’occasion ?

     Les K 75 d’occasion sont rares, affirme Motorrad en novembre 1992, au début d’un article sur l’achat d’une K 75 de seconde main. À quoi peut-on s’attendre ? Le journal fait le tour de la moto.
Sur les premiers modèles, attention à la direction et à ses réactions, l’amortisseur Fluidbloc n’apparaît que début 1986. L’amortisseur arrière est tout simplement insuffisant. La fourche, dont les bagues avaient des problèmes d’étanchéité, a été remplacée par une Showa depuis 1992, mais il est conseillé de vérifier si les tubes et les bagues sont propres. Vérifier aussi les fourches pré-Showa du type de la K 75 S, dont les amortisseurs peuvent coller dans les fourreaux. Dans le cas où l’on envisage d’acheter une moto qui a été accidentée, enlever le réservoir pour s’assurer de la parfaite géométrie des trois tubes supérieurs du cadre. Attention aux à-coups lors des freinages : un disque peut avoir reçu un choc, ou la roue arrière peut être mal alignée… L’ABS fonctionne en général parfaitement, vérifier la position du capteur après un démontage et remontage de roue.
Il faut porter une attention particulière à l’examen du moteur et détecter d’éventuelles fuites, ce qui peut arriver au niveau des pompes à eau et à huile, de la culasse, du carter de chaîne de distribution… Nettoyer, poser un nouveau joint d’étanchéité, laisser sécher trois heures… donc ne pas acheter tout de suite. Du côté des pompes à eau et à l’huile, un changement des joints peut s’avérer nécessaire après 40 000 km. Si les changements de vitesse sont difficiles, il faudra vérifier l’axe d’entraînement de l’embrayage. Les problèmes du côté de la transmission par cardan sont extrêmement rares : le joint entre le bloc moteur et le bras doit être propre et sec. Un nuage de fumée au démarrage n’est pas un problème (c’est dû à une dépression dans un des cylindres qui a fait remonter de l’huile entre le piston et le cylindre), à condition que ce ne soit que momentané. Le sifflement du moteur est également normal, tout le monde le sait, il provient de l’engrenage à taille droite de la couronne primaire. Enfin, le tableau de bord peut souffrir d’une étanchéité défaillante.
« C’est tout. La K 75 est vraiment une brave bête… » Ce que confirment les avis des lecteurs, qui la décrivent comme une routière qui autorise à la fois des rythmes de croisière et des conduites sportives. Et qui ont souvent changé l’amortisseur arrière, éliminant ainsi beaucoup de points faibles de la moto.

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     La K 75 est une moto particulièrement appréciée dans les administrations, et pas seulement en Allemagne. Un détail : vous ne trouvez pas que le policier de droite a les cheveux un peu longs ? En tout cas, le pneu avant, lui, est rasé de près.

7.3 La bataille des roadsters

     On retrouve la K 75 en 1993 dans Motorrad, dans un essai comparatif de quatre roadsters, face à la Triumph 750 Trident, et deux quatre-cylindres japonaises : la Honda CB 750 et la Kawasaki Zephyr 750. Sur le plan technique, la critique est acerbe pour la BMW : « Simplement géniale, peut-être même trop simple. La BMW K 75 n’est techniquement plus dans le coup. »Alors que « Honda s’y connaît pour faire de bonnes motos avec des composants éprouvés », « un concept que Kawasaki reprend avec un cadre double berceau et non plus à poutre centrale. » La Triumph se fait égratigner pour son aspect usine à gaz : « La Triumph Trident n’a pas profité d’une conception logique à laquelle s’est soumise la gamme Triumph. »
Passons sur l’analyse détaillée des quatre motos pour en arriver au verdict des chiffres. Au chapitre propulsion (performances, moteur,  transmission), la BMW, avec 44 points, est nettement derrière les trois autres qui totalisent entre 54 et 56 points pour la Triumph. Au chapitre comportement routier (tenue de route, maniabilité, confort, freinage), les deux Japonaises, avec 107 et 110 points, se détachent nettement de la BMW (92 points) alors que la Triumph est distancée avec 88 points, principalement en raison d’un freinage qui laisse grandement à désirer. En matière d’aptitudes à l’utilisation quotidienne (entretien, révisions, autonomie, éclairage, chargement, démarrage à froid…), la BMW, comme on pouvait s’y attendre, prend l’avantage avec 61 points devant la Honda, les deux autres étant largement distancées. Sur le plan économique (prix, garantie, service après-vente, pièces, consommation, équipement), la Honda, avec 52 points, passe devant la BMW (49 points) et les deux autres. À noter qu’en comparant les prix d’un panier très fourni de pièces détachées et de consommables, on s’aperçoit que c’est environ 25 % moins cher chez BMW que chez tous les autres constructeurs.
Bref, quand on fait le total, les deux japonaises sont devant. La Honda gagne ce comparatif pour son homogénéité, sa quasi-absence de points faibles, et son coût d’utilisation raisonnable. La Kawasaki est une moto sportive moins à l’aise en duo et sur longues distances. La BMW est troisième. « Elle offre en utilisation normale beaucoup d’agrément et est économique à l’entretien. Mais elle rend furieux celui qui veut dépasser les limites de ses aptitudes routières. Pour ce qui est de l’entretien, avec BMW, c’est la belle au bois dormant. Ma conclusion : un niveau technique de retard. »
Seule la Triumph a droit à un verdict plus dur : « Celui qui veut rouler en Triumph sera heureux avec une Trident. Mais celui qui veut rouler à moto risque de rencontrer de sérieuses difficultés. »

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     C’est le printemps, on sort les roadsters du garage. Mais il faut d’abord enlever les toiles d’araignée. 

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     A votre avis, laquelle de ces quatre motos a le centre de gravité le plus bas ?

8. La fin d’une époque

Motorrad 1996/12 – 25 mai 1996

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     Le rideau retombe en mai 1996. « Test BMW K 75. La fin d’une époque » titre en petit Motorrad sur sa couverture, avec la photo d’un motard assis à côté d’une K 75 bleue. « Les Munichois, après dix années de production, se séparent de leur enfant mal aimé avec la version Ultima. » On notera que le flat-twin tire aussi sa révérence en même temps, également avec une version Ultima. La trois-cylindres, qui devait trouver sa place entre la K 100 et les flat-twins de la marque, « n’a jamais été un succès pour des raisons de politique de vente ». 11 000 unités seulement ont été vendues en Allemagne.
Ultima ne veut rien dire de plus qu’une carrosserie bleue à filets argentés, des roues alu à trois rayons, un pare-brise et un guidon large. Le tout pour 19 950 Marks, alors qu’une BMW R 850 R dernière génération ne coûte que 16 700 Marks ! On marche sur la tête. Et c’est toujours la même moto, avec sa consommation réduite, son injection électronique, sa puissance réelle de 68 PS, son couple constant à l’accélération… et finalement, grâce à cette homogénéité, des vitesses moyennes tout à fait honorables. Toujours ces écarts imprévisibles dans les courbes rapides sur un revêtement dégradé, ces passages de vitesse quelquefois hasardeux, cet amortissement arrière insuffisant, cette fourche qui a du mal à maintenir la roue avant au sol sur les nids de poule, ces freins avant dignes des années 80, même si la dernière version de l’ABS est plus facile à vivre avec des intervalles de calcul moins espacés. Le pare-brise, très bruyant, déforme la vision de la route et ne vaut pas le carénage d’une K 75 RT.
« Cette série spéciale semble adresser un dernier merci à tous ceux qui lui ont fait confiance pendant des années. On se permettra de penser que le prix de vente est tout sauf un prix d’ami, pour ce dernier modèle dont les caractéristiques sont d’une autre époque, plus du tout au niveau des performances routières attendues aujourd’hui. »

     Rideau. 

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     Même pour ses fins de série, BMW ne fait pas de cadeau : la K 75 Ultima est même plus chère que le nouveau flat-twin R 850 R ! Mais elle est belle…

Pour conclure…

     La BMW K 75 n’a vraiment pas eu la vie facile, même dans les colonnes de Motorrad. On a senti les journalistes prêts à s’enflammer au début, mais l’enthousiasme est vite retombé quand ils se sont aperçus qu’il était inutile d’attendre une culasse à quatre soupapes comme sur la K 100 RS, ou quand BMW a traîné des pieds pour remédier à des problèmes de comportement routier pourtant faciles à corriger : un bon amortisseur arrière, par exemple. Ceux qui en ont changé se sont aperçus à quel point la moto en était transformée. Non seulement l’amortissement, en solo comme en duo, mais aussi la tenue de route sur route dégradée et la tenue de cap ne posent alors plus aucun problème.
À la lecture de ces articles, on s’aperçoit de la rigidité typiquement germanique d’une marque fidèle à ses valeurs de fiabilité, de robustesse, de longévité… et ne voulant en aucun cas les compromettre. Hors de question de se livrer à une course aux performances. À l’opposé des Japonais qui segmentent leurs gammes et multiplient les modèles, avec une stratégie pointue vers des cibles bien identifiées, le principe marketing de BMW est alors (cela a changé !) de satisfaire ses clients avec des machines à tout faire. Sans éviter les contradictions : la 75 S se veut une version sportive, mais le bloc moteur et ses caractéristiques demeurent inchangés. Les essayeurs notent : 69 PS, pas 75…
Les journalistes de Motorrad assistent, impuissants et avec un désintérêt de plus en plus marqué, à l’évolution de la K 75 ; la version RT arrive très tard. On voit bien que Motorrad ménage les susceptibilités. La revue évoque par sous-entendus le principal handicap de la trois-cylindres : la K 75 a toujours été coincée entre les flat-twins dont la marque ne peut se séparer (la K 75 finira ses jours en même temps que la R 80…), et la K 100 qui attire les motards fortunés que seul un haut de gamme peut séduire. En Allemagne (c’est différent en Europe et aux USA), la K 75 est à la fois trop chère pour les traditionnalistes réfractaires au changement, et pas assez valorisante pour les modernistes en quête de performances. Alors, quand sortent les flat-twins nouvelle génération qui représentent un bond technologique et une évolution radicale du positionnement de la marque et de ses modèles, le sort de la K 75 est scellé.
Ici et là, ceux des journalistes de Motorrad qui ne sont pas des mordus du chrono soulignent qu’il y a des qualités qui résistent aux temps qui passe. C’est vrai, finalement. Aujourd’hui, vingt ans après, le contexte routier n’est pas défavorable à la K 75, loin de là : avec l’accroissement considérable de la circulation, la limitation généralisée des vitesses, l’amélioration des revêtements, c’est une moto qui se glisse tranquillement dans le trafic sans en rester prisonnière, une moto avec laquelle on va pouvoir s’amuser de bon cœur sur de petites routes sinueuses, et descendre en duo avec armes et bagages vers le soleil pour les vacances, sans aller moins vite que beaucoup d’autres.

Christian D. aka « Wardenclyffe »

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3 commentaires pour La K 75 dans Motorrad

  1. Thierry Leraud dit :

    Excellent comme d habitude donc merci. Thierry Leraud Moto Légende

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  2. Vachoud dit :

    Merci pour ce bel article sur cette moto …que je viens d’acquérir d’occasion avec quelques options (carénage Pichler, amortisseur arrière « spécial », etc…). Un vrai bonheur.
    amicalement,

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  3. Georges Jeangros dit :

    Merci et Bravo à Christian Devot pour ce très intéressant article.Même si je connais assez bien les BMW K, j’admire cet excellent travail de reporter..et merci à K75.wordpress de l’avoir publié..

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